Les univers parallèles, fiction ou réalité
Au-delà de la plus lointaine étoile, au fond d’un trou noir, ou cachée dans des dimensions supérieures il existerait peut-être plus d’une version de la réalité. Notre monde se trouverait ainsi au milieu d’un océan de mondes parallèles. Sur l’un d’eux, les dinosaures ont survécu et terrorisent les hommes. Sur un autre, la Russie a gagné la course aux étoiles à la place des États-Unis. Sur un autre encore, l’humanité vient d’entrer en contact avec une race extra-terrestre et s’apprête à vivre l’un des tournants majeurs de son évolution…
Cela vous parait fou ? Et pourtant, après avoir été longtemps cantonnée au domaine de la science-fiction, la théorie des univers parallèles, ou multiples, est maintenant envisagée avec le plus grand sérieux par un nombre croissant de scientifiques. En explorant les confins de la physique du cosmos et les théories les plus avancées de la mécanique quantique, ceux-ci commencent en effet à penser que les univers parallèles existent et qu’ils détermineront peut-être le destin de notre Univers. Ce documentaire nous emmène à la découverte de ces différentes théories.
. Univers jumeaux
Qui dit univers parallèles dit répliques de notre monde et autres nous-mêmes qui vivraient au-delà de la réalité que nous connaissons. Nos corps sont constitués de vastes amas d’atomes, et c’est la façon dont ceux-ci sont combinés dans l’espace qui détermine qui nous sommes et ce que nous sommes. Plus la combinaison est complexe, plus il faut aller loin pour la retrouver à l'identique. Mais dans un univers infini et en expansion permanente, comme tendent à le prouver les dernières observations scientifiques, même les événements extrêmement improbables sont possibles.
En se basant sur cette théorie, des scientifiques ont calculé le nombre d’années-lumière qu’il faudrait parcourir pour découvrir la même combinaison d’atomes qui constitue un individu donné de notre planète. Le résultat donne le tournis : 1 suivi d’un million de milliards de milliards de zéros. Comparée à l’infini, cette distance n’est cependant pas si lointaine qu’il y parait au premier abord.
Mais celui qui aurait la possibilité – et la volonté ! – d’effectuer un tel voyage pour rencontrer son clone se heurterait à un écueil de taille. En effet, selon la théorie de l’expansion de l’univers formulée par Edwin Hubble dans les années 1920, plus un point que l’on essaie d’atteindre est éloigné, plus l’expansion de l’espace entre ce point et nous est rapide. A un certain stade, cette expansion est même plus rapide que la vitesse de la lumière. Ce qui se trouve au-delà de cet horizon est donc, dans l’état actuel de la physique, inatteignable pour nous.
. Équation de Schrödinger
Des univers parallèles existent cependant peut-être ailleurs, non pas aux confins de l’espace, mais dans le microcosme, au cœur des minuscules particules qui constituent les atomes. Celles-ci sont décrites par la mécanique quantique, dont l’équation centrale a été formulée par le physicien Erwin Schrödinger (1887-1961). A travers cette équation qui porte son nom, Schrödinger a révolutionné la réalité telle que nous la connaissons ; il est en effet parvenu à prouver que des particules subatomiques pouvaient exister dans plusieurs endroits au même moment.
L’équation de Schrödinger ne s’appliquerait pas seulement aux atomes mais à la réalité dans son ensemble, ce qui voudrait dire que les objets qui nous entourent sont « schizophrènes », passant constamment d’un état à un autre, en un ensemble infini de probabilités, jusqu’à ce que nos choix les déterminent. L’exemple donné pour comprendre cette théorie est celui d’un plat commandé dans un restaurant et servi sous cloche. Jusqu’à ce que celle-ci soit retirée, elle recouvre en théorie tous les plats que la personne aurait pu commander, chacun existant simultanément. C’est seulement lorsque la cloche est enlevée et que le client regarde son plat que la réalité prend le dessus.
En principe, l’émergence de cette réalité élimine du même coup toutes les autres réalités possibles. Mais selon les théories de la mécanique quantique, chaque issue possible n’est pas éliminée mais devient une réalité s’inscrivant dans son propre univers parallèle. Pour reprendre l’exemple du restaurant, le client qui a commandé son plat mangerait ainsi du steak dans une réalité, du veau dans une deuxième, du poisson dans une troisième, et ainsi de suite jusque soient épuisées toutes les possibilités de plats qu’il aurait pu commander.
Si cette théorie s’avère exacte, cela signifie que l’espace que nous occupons est rempli d’une mer quasi infinie de copies identiques de nous-mêmes. Ainsi, chacun de nos choix déterminerait non seulement une « version » de la réalité mais aussi toute une gamme de réalités parallèles découlant des possibilités qui ont été éliminées au moment de ce choix.
. Physique quantique
Ces réalités peuvent-elles se télescoper ? A priori non, puisqu’elles s’excluent mutuellement : pour celui qui est à l’intérieur, chacune de ces réalités est LA réalité, point final. Mais certains scientifiques pensent que notre univers, à la manière d’un dessin animé, ruserait pour nous faire croire qu’il est l’unique réalité. Vu par un spectateur, un dessin animé semble en effet être un objet unique, alors qu’il est en fait composé de différents plans qui s’ajustent les uns aux autres pour composer une image d’ensemble.
Ces plans superposés permettent ainsi à un objet d’exister simultanément en plusieurs endroits, chacun étant destiné à devenir la réalité dans son propre univers parallèle. Dans un univers, ces objets peuvent seulement être vus dans un endroit donné. De notre point de vue, il semblerait ainsi que l’acte d’observation détruise toutes les autres possibilités. Mais ces réalités niées par l’acte d’observation ne cessent pas pour autant d’exister. Si nous pouvions voir tous les univers en même temps, un nombre incalculable d’objets « jumeaux » seraient ainsi rendus réels, occupant un espace légèrement différent.
Ces infimes nuances peuvent s’amplifier avec le temps et générer des mondes parallèles aux destins très différents. Mais comment savoir si ces réalités différentes existent si elles disparaissent dès qu’on les observe ? En effet, nous ne voyons jamais ces effets de la mécanique quantique, comme d’être à deux endroits au même moment, parce que ces phénomènes échappent à ce que nous pouvons mesurer de notre environnement et des objets qui le constituent.
Pour tenter d’observer un univers parallèle, des physiciens ont donc eu l’idée d'installer un petit carré de silicium sur un résonateur métallique. Composé de plus d’un milliard d’atomes, ce résonateur est un géant dans le monde quantique, et c’est justement ce qui intéresse les chercheurs, qui veulent prouver que cet artéfact, malgré sa taille, obéit toujours aux lois de la mécanique quantique.
Pour cela, il faut s’assurer qu’aucun processus de mesure n’interviendra durant l’expérience. Le résonateur doit donc être complètement isolé et refroidi à -273° à l’intérieur d’un réfrigérateur à dilution. Dans ce dispositif, un unique quantum d’énergie est dirigé sur le résonateur. Normalement, il devrait y avoir une chance sur deux, soit qu’il reçoive cette énergie, soit qu’il la rate. Or il apparait que le résonateur fait les deux : il reçoit et rate l’énergie simultanément, se mettant à osciller dans ces deux réalités confondues. Le résultat de cette expérience prouve que les lois de la mécanique quantique s’appliquent non seulement aux particules subatomiques mais aussi à des objets bien plus gros. En fait, elles gouvernent tout ce qui se trouve dans l’univers : quelle que soit sa taille, tout objet peut se trouver dans plusieurs endroits en même temps.
. A la recherche de l’antimatière
Après les théories quantiques, l’antimatière pourrait elle aussi livrer la clé d’autres univers parallèles. D’après la théorie du Big Bang, cette gigantesque explosion aurait du générer une quantité égale de matière et d’antimatière aux premiers instants de l’Univers, or cette antimatière a disparu. Cette disparition est l’un des grands mystères de la science moderne. Si le Big Bang a bien créé autant de matière que d’antimatière, cela signifie en effet qu’il existe quelque-part un « jumeau d’antimatière » de notre Univers.
Pour tâcher de le découvrir, les scientifiques mènent des expériences avec des accélérateurs de particules, où ils recréent des versions miniatures du Big Bang. Pour cela, deux faisceaux de particules sont collisionnés, générant une nuée de particules composites appelées Mésons B, et leurs jumeaux d’antimatière, les Anti B. D’après le modèle établi, ces particules étaient censées être égales en tous points, or une mesure extrêmement précise de leur temps de décomposition a permis de mettre en lumière une minuscule différence entre le Méson B et l’Anti B, ce dernier se décomposant un tout petit peu plus vite.
Ce minuscule déséquilibre entre la matière et l’antimatière pourrait avoir eu des conséquences considérables sur ce qui s’est passé juste après le Big Bang. Toute la matière que nous voyons aujourd’hui dans l’Univers ne serait ainsi que le minuscule reste de deux immenses mers de matière et d’antimatière qui se seraient entièrement détruites l’une l’autre s’il n’y avait eu cette minuscule différence entre les Mésons B et les Anti B. D’après ce modèle, il n’existerait donc aucun « univers fantôme » d’antimatière tapi dans les recoins sombres du cosmos, prêt à dévorer le notre.
. Théorie de l’expansion
Pourquoi l’Univers est-il semblable, quelle que soit la direction dans laquelle nous regardons ? Cela résulterait en fait de l’inflation cosmique, un modèle cosmologique s'insérant dans le paradigme du Big Bang et selon lequel une région de l'univers comprenant l'univers observable aurait connu une phase d'expansion très violente qui lui aurait permis de grossir d'un facteur considérable, estimé à 10 puissance 26. Cette phase d'expansion se serait produite très tôt dans l'histoire de l'univers ; elle offre une solution à la fois au problème de l’horizon de l’Univers ainsi qu’à celui de la platitude.
Pour mieux appréhender ces notions, prenons l’exemple d’un carré de sucre sur lequel on aurait fait tomber différentes gouttes de couleur. De l’extérieur, celui-ci aurait l’aspect d’un patchwork coloré, mais au niveau de chaque grain de sucre, que l’on pourrait assimiler à un univers, et en tenant compte de la théorie de l’expansion, tout semblerait d’une couleur uniforme. Nous percevons l’Univers comme plat et infini tout simplement parce que nous n’avons pas la possibilité d’observer au-delà des limites du « grain de sucre » sur lequel nous nous trouvons et de percevoir la totalité du patchwork de couleurs.
Mais cette théorie de l’inflation pose cependant un problème du fait de l’expansion constante et perpétuelle de l’Univers. Selon certains scientifiques, l’inflation se produira en effet de nouveau, faisant d’un point minuscule de l’univers un nouvel univers ; le notre sera alors anéanti par cette déflagration. Si ce modèle s’avère exact, alors cela signifie que l’Univers est fondamentalement instable ; à tout moment, une minuscule partie pourrait s’embraser sous l’effet de l’expansion et détruire tout ce que nous connaissons.
. Monde des branes
Pour d’autres chercheurs, les univers parallèles se trouveraient dans d’autres dimensions. Dans ce modèle, notre univers tout entier vivrait sur une membrane tridimensionnelle flexible, ou « monde-brane », à proximité duquel se trouverait un autre « monde-brane », sorte de jumeau invisible. En principe, la frontière entre ces deux univers est imperméable et infranchissable, cependant certains chercheurs estiment que ces deux réalités pourraient se rapprocher, voire se percuter, à la faveur de circonstances particulières.
Lors de cette collision, l’énergie des deux « mondes-branes » serait convertie en matière et en radiations, générant un phénomène similaire au Big Bang. Les scientifiques se sont d’ailleurs demandé si le Big Bang, que nous considérons comme l’origine de l’espace et du temps, n’était pas en réalité la conséquence de la rencontre de deux mondes-branes.
Selon cette théorie, moins d’un atome nous sépare de cet autre univers. Il s’agirait d’un endroit radicalement différent du notre où les lois de la physique que nous connaissons n’ont plus cours.
Si nous ne pouvons ni voir, ni toucher, ni sentir la matière de cet autre monde-brane, nous pouvons en revanche ressentir sa gravité. Pour étayer cette théorie, les scientifiques s’appuient sur la découverte récente de sources de gravité invisibles un peu partout dans l’Univers. Ces géants caché, appelés « matière noire », intriguent au plus haut point les astrophysiciens, qui ignorent de quoi ils sont faits. Décoder cette énigme représente l’un des plus grands défis de la physique moderne. Mais certains chercheurs ont déjà émis l’hypothèse audacieuse selon laquelle les trous noirs seraient des sortes de « points de contact » entre notre univers et l’autre monde-brane.
. Trous noirs : clés des univers parallèles ?
Les trous noirs, ces mystérieux géants du cosmos, nous livreront-ils la clé des univers parallèles ? Rapprochons-nous de l’un de ces phénomènes. A l’intérieur de son bord externe, appelé « l’horizon des événements », la force gravitationnelle est si dense que même la lumière ne peut s’en extraire. Personne ne sait avec certitude ce qui se passe au-delà de ce point de non-retour cosmique ; au cœur d’un trou noir, la force de gravité est en effet si puissante qu’elle compresse la masse entière d’une étoile en un seul point, appelé « singularité » par les physiciens.
La description de telles régions n'est pas possible dans le cadre de la relativité générale telle qu’elle a été formulée par Einstein. Dans ce modèle, l’espace et le temps sont entrelacés en un tissu élastique qui constitue la « trame » de notre univers. Certains objets dotés d’une forte densité peuvent provoquer une courbure de cette trame, par exemple le soleil, qui courbe l’espace-temps. C’est la raison pour laquelle la Terre tourne autour de lui. Mais cette courbure n’est pas la seule façon dont la force gravitationnelle peut affecter la structure de l’espace-temps ; celui-ci possède en effet une autre propriété appelée « torsion ».
Dans le cas de figure d’un trou noir, cette torsion pourrait jouer un rôle crucial. En effet, à un niveau très élevé de densité, la torsion de la matière aspirée par le trou noir se manifeste comme une force qui s’oppose à l’attraction gravitationnelle. Au lieu de s’effondrer en un point singulier, la matière génèrerait alors un phénomène d’ouverture du cœur du trou noir. La matière ne peut pas simplement disparaître, son énergie doit être conservée, c’est pourquoi les scientifiques ont imaginé un nouveau modèle dans lequel toute la matière passerait à travers l’horizon des événements du trou noir pour générer un « trou blanc » qui apparaitrait de l’autre côté, participant ainsi à la création d’un nouvel univers.
Si cette théorie se vérifie, quand la masse d’une étoile s’effondre en un trou noir, elle serait donc recrachée dans le sens opposé de son aspiration pour générer un « trou blanc », c'est-à-dire un geyser de matière et d’énergie qui donnerait naissance à un nouvel univers parallèle. Notre Univers aurait ainsi pu naitre d’un autre trou noir situé dans un univers parallèle. Le Big Bang ne serait alors rien d’autre qu’un « trou blanc » créé par la mort d’une étoile dans un autre cosmos.
Ces théories sont encore jeunes, et pour certaines, du domaine de la théorie pure. Mais elles sont la preuve d’une avancée de l’esprit humain dans des domaines jusqu’ici considérés comme tabous, voire interdits. Nous commençons en effet à nous intéresser très sérieusement à des choses qui auparavant relevaient de la science-fiction.
Le mot Univers est censé signifier « tout ce qui existe ». Mais aujourd’hui nous sommes presque certains que cette signification est incomplète. Notre Univers n’est sans doute pas la seule chose qui existe ; quelque-part dans d’autres dimensions, inaccessibles, invisibles, il existe peut-être d’autres versions de notre monde, de nous-mêmes. Comment sont-ils ? Comment vivent-ils ? Pourrons-nous un jour les rencontrer ? La science n’a pas encore apporté les réponses à ces questions fascinantes, mais elle continue à défricher ces domaines du savoir qui nous conduiront peut-être dans un avenir proche à des révélations bouleversantes sur la nature même de ce que nous sommes et sur celle de l’Univers dans lequel nous vivons
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